Quelle symbolique des plantes au temps des pharaons ?๐ Un dรฉtour par la botanique รฉgyptienne ๐ชท
Aprรจs un article รฉcrit pour LโEcho de lโArt sur la tradition iconographique de Clรฉopรขtre, je me suis posรฉe les questions suivantes :
Que voyait les anciens Egyptiens autour dโeux ? Quโest ce qui รฉtait reprรฉsentรฉ sur leurs fresques ? Peut-on reconnaitre des plantes que lโon connait aujourdโhui?
Je me suis dit quโil serait pertinent de mettre leurs lunettes pour quelques temps. Et, comme de coutume, aller explorer les symboles et symboliques qui reviennent.
Fidรจle ร mon coeur dโexpertise, jโai dรฉcidรฉ de cibler les symboliques vรฉgรฉtales.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, la symbolique des plantes, intรฉressons nous aux endroits oรน elles apparaissaient : les jardins.
Cโest lโouvrage Le jardin des pharaons qui nous donne beaucoup de clรฉs ร ce sujet.
Les plantes cultivรฉes dans les jardins en Egypte se sรฉparaient en deux catรฉgories :
Les plantes ร vocation ornementale : nรฉnuphars, fleurs, papyrusโฆ
Les fruitiers chargรฉs dโapporter ressources alimentaires
Il existe deux types de configurations de jardins, qui dรฉpendent du type de temple auquel le jardin se trouve rattachรฉ :
Temple dรฉdiรฉ ร une ou plusieurs divinitรฉs
Temple dit des millions dโannรฉes : cโest ร dire, un temple dรฉvolu au culte dโun ancien pharaon divinisรฉ.
Ces structures possรฉdaient des jardins sacrรฉs attenants. On le sait grรขce aux reprรฉsentations dans les chambres thรฉbaines.
Pour les anciens Egyptiens, jardins et temples รฉtaient liรฉs et se devaient dโรชtre en harmonie. En effet, cโest dโautant plus comprรฉhensible lorsque lโon sait que lโarchitecture des temples tire son inspiration du monde vรฉgรฉtal, et que ces temples รฉtaient considรฉrรฉs comme des microcosmes qui reprรฉsentaient le marais primordial, le Noun, dโoรน avait รฉmergรฉ la crรฉation.
Ainsi, les colonnes ร la base en forme de papyrus ou les chapiteaux reprรฉsentant un nรฉnuphar รฉvoquent les marรฉcages. On connait toute une scรฉnographie qui met en valeur le jaillissement de la vie sous forme vรฉgรฉtale.
Le temple est un marais de pierre qui abritait la divinitรฉ, dโoรน jaillissait donc la vie, qui sโincarnait sous sa forme vรฉgรฉtale, dans le jardin attenant.
Les plantes cultivรฉes en Egypte se voyaient investies la plupart du temps dโun symbolisme religieux, le plus souvent liรฉ aux notions de renaissance et de rรฉgรฉnรฉration.
Ainsi, quasiment toutes les plantes reprรฉsentรฉes dans les jardins funรฉraires avaient des fonctions nourriciรจres, rรฉgรฉnรฉrantes ou excitantes, pour une bonne et simple raison : elles devaient assurer la survie du dรฉfunt.
En le protรฉgeant des forces du mal grรขce au papyrus, en le nourrissant grรขce aux arbres fruitiers, ร la mandragore ou encore en lui indiquant un point dโeau avec les palmiers. Mais aussi en stimulant son รฉnergie vitale par le caractรจre aphrodisiaque de certaines plantes : nรฉnuphar bleu, raisinโฆ
Cโest durant la pรฉriode du nouvel Empire ( -1500 ร -1000 ) que le jardin semble gagner une symbolique funรฉraire trรจs forte. Dans ses reprรฉsentations le papyrus peut figurer une forme de cocon qui protรจge le dรฉfunt. ร lโinstar des fourrรฉes de papyrus qui ont protรฉgรฉ Horus enfant, et qui incarnent รฉgalement la fraicheur et la vigueur de la vรฉgรฉtation toujours renaissante.
Les fleurs sont aussi trรจs prรฉsentes dans lโiconographie, notamment sous la forme de bouquets.
Cela se matรฉrialisait ร travers des offrandes ou alors lors de banquets. Offrir des fleurs nโรฉtait, ร lโรฉpoque, pas lโapanage des femmes. En effet, les hommes aussi procรฉdaient aux arrangements floraux. Car, avant tout, offrir un bouquet de fleurs cโest offrir un bouquet de vie. On comprend mieux le lien entre la vie et la dimension amoureuse que cela a pris dans les siรจcles suivants. Le jardin est le lieu du bonheur intime partagรฉ entre amants et รฉpoux. Ils sโy retrouvaient parรฉs de guirlandes de fleurs, cรฉlรฉbrant leur amour. Plaisir des yeux, de lโodorat, du tout, de la peauโฆ Le jardin รฉtait le lieu de tous les dรฉlices pour les anciens รฉgyptiens !
Oui, vous avez bien lu, le jardin est aussi fortement liรฉ ร la vie quโร la mort : cโest la force dโun symbole ! Toujours ambivalent.
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Dans la grande famille des plantes รฉgyptiennes, on voit se dessiner un duo de tรชte, ceux ร cรดtรฉ desquels on ne peut pas passer : jโai nommรฉ le papyrus et le lotus.
PAPYRUS :
Il est la composante essentielle de la Vallรฉe du Nil. Le papyrus รฉtait une plante ornementale essentiellement plantรฉe sur les berges. Elle รฉtait rรฉcoltรฉe pour la confection de bouquets. Et cโest majoritairement sous cette forme quโon le voit apparaitre dans lโiconographie รฉgyptienne.
Cโรฉtait une plante utilitaire prisรฉe par les Egyptiens pour rรฉaliser du papier, des nattes, des sandales, des cordes, des barquesโฆOn pouvait mรชme lโutiliser contre les courbatures et les douleurs oculaires ! Surtout, sa couleur et sa rigiditรฉ en faisait un symbole de fraรฎcheur et de renouveau. Son association avec le bassin ( car il est plantรฉ sur les berges ) rappelle le Noum, le marais primordial, dont est sortie la vie qui foisonne dans les marรฉcages.
Ainsi, le papyrus est associรฉ ร la rรฉgรฉnรฉration et ร la fertilitรฉ et ร lโabondance, autant dโun point de vue pratique, grรขce aux nombreux usages que lโon peut en faire, que dโun point de vue spirituel avec le marais primordial.
Ici alors, nous avons un parfait exemple de comment lโon passe dโune symbolique dite โordinaireโ ร une symbolique โรฉsotรฉriqueโ et spirituelle : aprรจs lโobservation des nombreuses choses que lโon pouvait faire avec le papyrus, lโimaginaire รฉgyptien a associรฉ cette plante aux dรฉesses protectrices et maternelles.
Cโรฉtait une sorte de matrice protectrice car il avait protรฉgรฉ Horus de la folie meurtriรจre de Seth pendant son enfance.
Dans certaines reprรฉsentations Hathor รฉtait reprรฉsentรฉe sous les traits dโune vache sortant de la montagne et apparaissant dans un fourrรฉ de papyrus.
Ainsi, les dรฉesses sont reprรฉsentรฉes avec une coiffe de papyrus. Les รgyptiens eux, portaient, des amulettes en forme de papyrus autour du cou. Comme pour invoquer la prรฉsence protectrice des dรฉesses et les vertus de la plante.
NENUPHARS :
On en connait surtout deux importants :
Le bleu : cโest lโรฉquivalent de notre rose. Il symbolise la beautรฉ, lโamour, lโรฉrotisme. Il dรฉgage un parfum enivrant et serait aphrodisiaque. Mon nรฉnuphar est une expression utilisรฉe pour parler ร son amant. La bouche et les doigts de lโรชtre aimรฉ sont souvent comparรฉs ร des nรฉnuphars. les pรฉtales bleues symbolisent la course diurne, tandis que le coeur jaune symbolise lโรฉclosion matinale. Il se ferme et sโouvre en suivant la course du soleil.
Les Egyptiens imaginaient que pendant la nuit le soleil illuminait le monde souterrain.
Le blanc : cโest la premiรจre plante sortie du marais de la crรฉation. Naissance et vie.
Les Egyptiens utilisaient beaucoup lโhuile de nรฉnuphar pour parfumer leurs vรชtements. Ils lโutulisaient aussi beaucoup dans les banquets. Les femmes en mettaient dans leurs cheveux. On en tresse des couronnes et des guirlandes. Comme ci dessous.
Le nรฉnuphar, quโil soit blanc ou bleu est ร lโorigine de la crรฉation, symbolisant naissance et vie. Cโest une fleur รฉtroitement associรฉe au divin. Au grand dieu Rรช, grand dieu solaire.Les Egyptiens considรฉraient que le soleil รฉtait nรฉ de cette premiรจre fleur, assimilรฉe au dieu Nรฉfertoum, sous la forme dโun jeune enfant. Ce dernier est le dieu des onguents, du parfum. Il est coiffรฉ dโun nรฉnuphar ยซ La fleur de nรฉnuphar qui est devant le nรฉ de Rรฉ ยป
Cette capacitรฉ ร รฉveiller explique pourquoi les dรฉfunts et les convives des banquets funรฉraires รฉtaient reprรฉsentรฉs en train de humer une fleur de nรฉnuphar et pourquoi les offrandes รฉtaient surmontรฉes dโun bouquet composรฉ le plus souvent dโune fleur รฉpanouie entourรฉe de deux boutons dont les tiges รฉtaient nouรฉes pour rappeler le signe ยซ Ankh ยป qui symbolise la vie.
Associรฉs au vin et aux fruits de la mandragore, les nรฉnuphars รฉtaient censรฉs stimuler les convive dans une transe et un appรฉtit sexuel. Cette transe devait permettre de communiquer avec les morts tandis que le caractรจre aphrodisiaque du nรฉnuphar, de la mandragore et du vin devait รฉveiller les capacitรฉs รฉrotiques du dรฉfunt, le rรฉgรฉnรฉrant.
Les fleurs, en Egypte sont associรฉes ร la rรฉgรฉnรฉration de la Vie, de la Nature. A lโexaltation des sens รฉgalement. Elle refleurissent grรขce au dieu Min, sur lequel nous reviendrons plus tard.
MANDRAGORE :
La mandragore tient une place trรจs importante dans lโiconographie รฉgyptienne. Surtout ses fruits. Elle est beaucoup cultivรฉe dans les jardins royaux. Nous nโavons pas beaucoup de restes vรฉgรฉtaux mais beaucoup de mentions. Le fruit est souvent entrรฉ dans la composition de bouquets comme ici. On connait un topos de lโiconographie qui est liรฉ ร son sรจme dรฉsir/sรฉduction : la femme qui hume les bouquets, les fruits. Ou qui le fait humer. Cette posture signifierait quโelle serait disponible ร lโamour.On dit que la mandragore est la ยซ baie de lโamour ยปLa mandragore tient une place de choix dans le domaine de lโamour : on compare souvent les seins des femmes ร des mandragores.
ยซย Puissรฉ-je รชtre la Nubienne qui est ร son service en privรฉ ! Je lui apporterai une coupe de mandragores qui serait dans ma main pour quโelle les respire : cโest dire quโelle mโoffrirait les charmes de tout son corps !ย ยป
On compare รฉgalement cette plante au soleil ร cause de sa forme ronde et de sa couleur jaune.Il faut savoir que cette plante a un fort effet narcoleptique et euphorisant mais รฉgalement aphrodisiaque. Une qualitรฉ qui fait sens lorsque lโon sait quโelle est convoquรฉe allรจgrement lors de la fรชte de la Vallรฉe, une fรชte annuelle en lโhonneur des morts lors de laquelle on consommait tout ce qui pouvait mener ร lโivresse : vin, mandragore, musique, fleurs de nรฉnupharsโฆ
Le motif des bouquets de nรฉnuphars piquรฉs de mandragore symbolise la renaissance du dรฉfunt qui sera dรฉsormais รฉclairรฉ par le soleil lors de son passage dans la nuit du royaume des morts.
VIN/ VIGNE :
La culture de la vigne est attestรฉe dans la Vallรฉe du Nil depuis les dรฉbuts de la civilisation รฉgyptienne. Les grappes de raison entrent dans la composition des banquets. Consommรฉs comme raisins de table. Possรฉder une vigne รฉtait signe de richesse car sa culture รฉtait difficile dans le climat sec de la Haute Egypte. Les Egyptiens produisaient du vin blanc et du vin rouge. Cโรฉtait un produit de luxe : les vins nโรฉtaient pas mรฉlangรฉs et les plus anciens รฉtaient les plus prestigieux. La biรจre continuait dโรชtre la boisson quotidienne des รฉgyptiens. Le vin รฉtait rรฉservรฉ aux รฉlites. Les pharaons et nobles en consommait lors de fรชtes religieuses, de banquets. Son symbolisme rejoint celui de la mandragore dans sa dimension รฉrotique.
La vigne รฉtait associรฉe ร deux divinitรฉs funรฉraires : Hathor et Osiris.
Osiris reprรฉsentait le dieu du royaume des morts , le pharaon de lโau delร . Il รฉtait aussi le symbole de la vรฉgรฉtation toujours renaissante comme le montre la couleur verte de sa peau. Il รฉtait appelรฉ ยซ seigneur du vin ยป et cette boisson รฉtait assimilรฉe ร son sang.
La vigne symbolisait รฉgalement une forme de renaissance car la pรฉriode des vendanges et de la vinification coรฏncidant avec la pรฉriode de crue du Nil, dรฉlenchรฉe entre autres par Osiris.
Une dรฉesse arbre ?
Les arbres jouaient un rรดle clรฉ dans la sociรฉtรฉ รฉgyptienne car ils รฉtaient censรฉs abriter une ou plusieurs divinitรฉs. Dans les poรจmes lโarbre pouvait sโanimer et prendre la parole. On peut les voir dans les tombes thรฉbaines et les dรฉcors de palais. Les arbres fruitiers sont capables de fournir des ressources alimentaires sucrรฉes ! : dattes, noix, doum, sycones, figues et grenades.
Dans les reprรฉsentations de jardins privatifs des tombes thรฉbaines apparait souvent une dรฉesse, la dรฉesse arbre, dans le figuier sycomore.
La plupart du temps elle nโest pas nommรฉe et elle se confond avec toutes les dรฉesses maternelles et protectrices : Isis, Hathor, Tout.. Elle accueille le dรฉfunt et son รฉpouse aprรจs quโils aient rรฉussi lโรฉtape de la pesรฉe du coeur.
Une fois cette รฉtape accomplie, le dรฉfunt est accueilli par la dรฉesse arbre qui lui prรฉsente de lโeau, du pain et parfois des fruits. Elle est reprรฉsentรฉe avec des paniers remplis de fruits, cueillis sur les arbres du jardin. Elle leur offre du lait รฉgalement.
Dรฉsormais, le dรฉfunt pourra se nourrir des fruits de son jardin et sโabreuver ร son bassin mรชme en lโabsence dโoffrandes de sa famille. Car si le dรฉfunt รฉchappait ร la dรฉvoreuse et entamait une nouvelle vie dans lโau delร , cette derniรจre devait รชtre constamment protรฉgรฉe et rรฉgรฉnรฉrรฉe, comme la vie terrestre, grรขce ร la consommation de nourriture et ร la stimulation sexuelle. Les sources de nourriture devaient รชtre aussi variรฉes que possible pour pallier ร dโรฉventuels manques et le jardin avait donc pour rรดle dโabreuver le dรฉfunt grรขce ร son bassin : mais aussi de soutenir cette rรฉgรฉnรฉration grรขce aux diffรฉrents arbres, fruits et fleurs.
Arbres, plantes, et fleurs formaient tous une botanique sacrรฉe รฉvoquant des divinitรฉs protectrices et garantes de la renaissance du dรฉfunt. En outre, elles abritaient une divinitรฉ que le dรฉfunt pouvait alors convoquer.
Faire reprรฉsenter un sycomore dans son jardin permettait dโappeler les qualitรฉs protectrices, maternelles et nourriciรจres de la dรฉesse arbre. Les transformations subies par le dรฉfunt sโassimilaiient au cycle vรฉgรฉtatif avec une mort apparente puis une renaissance.
Ce dรฉtour par la reprรฉsentation de la dรฉesse arbre nous permet alors maintenant de nous pencher plus en amont sur les essences dโarbres en รgypte.
Les essences les plus communes sont les suivantes, et elles sont associรฉes ร une divinitรฉ :
Palmier dattier : associรฉ au dieu Amon Re, le palmier dattier รฉtait le plus reprรฉsentรฉ avec le palmier doum et le figuier sycomore. Les dattes รฉtaient souvent offertes aux dieux. Les รฉgyptiens aimaient tellement ce fruit et sa suavitรฉ que le nom bener est devenu le synonyme des mots ยซ doux ยป et ยซ aimรฉ ยป.
Le palmier dattier incarnait la rรฉgรฉnรฉration vรฉgรฉtative grรขce ร ses caractรฉristiques botaniques et ร sa capacitรฉ ร se rรฉgรฉnรฉrer et croissance prรจs dโun point dโeau. Il รฉtait associรฉ au dieu Thot, dieu de la sagesse et du temps. Il incarnait tout ร la fois la durรฉe et le renouveau et cโest pourquoi il รฉtait surtout associรฉ ร la nouvelle annรฉe. Il symbolisait une nourriture riche et abondante grรขce ร ses fruits mais aussi lโรฉternitรฉ. Selon Nathalie Baum, une feuille de palmier รฉtait souvent placรฉe sur la poitrine du dรฉfunt ou sur son sarcophage.
Figuier : associรฉ ร Horus, les fruits de cet arbre รฉtaient รฉgalement offerts aux dieux et aux dรฉfunts. Seule la couleur des fruits du figuier commun permet de les diffรฉrencier de ceux du sycomore. Les sycones รฉtant reprรฉsentรฉs de couleur jaune et les figues de couleurs noire. Lโarbre รฉtait apprรฉciรฉ pour ses fruits et cโest sans doute pour ses qualitรฉs nourriciรจres quโil รฉtait reprรฉsentรฉ dans les jardins. Les figues รฉtaient assimilรฉes ร la poitrine de la dรฉesse Isis, elles constituaient un รฉlรฉment essentiel au maintien de la vie, ร lโinstar du lait maternel, selon Nathalie Baum.
Figuier sycomore : le sycomore abritait Hathor, dรฉesse de lโamour, dame du sycomore : cโest pourquoi dans la tradition littรฉraire, le sycomore revรชt une dimension รฉrotique protรฉgeant les amants. Il est mรชme parfois douรฉ de parole. Cโest un des arbres les plus sacrรฉs de la religion รฉgyptienne. Lโarbre nourricier par excellence puisquโil abritait la dรฉesse arbre. Il garantissait alors au dรฉfunt la protection maternelle de la dรฉesse et lโombre ร laquelle se rafraichir ( et bien sรปr la nourriture ) En effet, lโarbre produit des fruits plusieurs fois par an. Les sycones. Ses fruits รฉtaient ceux les plus frรฉquemment dรฉposรฉs dans les tombes. Son association avec les dรฉesses maternelle Nous et Hathor a poussรฉ certains รฉgyptiens a se faire sculpter des sarcophages dans ce bois. Les momies รฉtaient parfois dรฉposรฉes sur des litiรจres de sycomore.
Le sycomore incarnait le vรฉgรฉtal dans la langue รฉgyptienne, puisque son hiรฉroglyphe servait de dรฉterminatif ร presque tous les arbustes et arbres ร lโexception des palmiers. Il devait sa place spรฉcial au fait quโil รฉtait lโun des arbres fruitiers les plus communs de la Vallรฉe du Nil, mais surtout parce quโil produisait des fruits plusieurs fois dans lโannรฉe. Il รฉtait donc lโarbre nourricier par excellence. Et avait lโavantage dโoffrir une ombre extrรชmement rafraichissante.
Moringa : il est associรฉ ร Hathor, dรฉesse de lโamour et dรฉesse nourriciรจre. Le moringa est trรจs important dans la thรฉologie memphite ou il รฉtait une des manifestations du dieu Ptah. Par la suite รฉgalement associรฉ ร Thot et Hathor. Le moringa รฉtait un arbre dont la symbolique รฉtait trรจs forte et dont on tirait de lโhuile servant ร la momification. Cet arbre รฉtait porteur dโune dimension solaire et assurait la protection du pharaon durant les cinq jours, avant le nouvel an, considรฉrรฉs comme dangereux. Lโhuile ben servait ร momifier, fabriquรฉe ร partir de ses fruits.
Grenadier : le fruit du grenadier est associรฉ ร la fertilitรฉ cโest bien connu grรขce ร ses nombreux grains. Sous les Ramessides, des grenades sont offertes au fleuve, lors de la fรชte du Nil pour favoriser la crue. Elles possรฉdaient une dimension รฉrotique trรจs forte dans la poรฉsie amoureuse, dans laquelle elles sont comparรฉes au sein des femmes. Comme les figues, les grenades รฉtaient assimilรฉes aux poitrines des dรฉesses nourriciรจres. De nombreuses grenades ont รฉtรฉ retrouvรฉes dans les tombes. Les reprรฉsentations en chapelet.
Palmier Doum : il รฉtait cultivรฉ pour ses noix. Quelques unes ont รฉtรฉ retrouvรฉes dans la tombe de Kha. Le palmier doum รฉtait associรฉ ร quelques divinitรฉs des contrรฉes lointaines : Thot, Hathor et Min quโil symbolisait en vertu de sa qualitรฉ dโarbre des oueds et des oasis.
Dโautres arbres รฉtaient plantรฉs dans les jardins, comme le saule et lโacacia mais ce sont essentiellement des fruitiers. Aussi, au delร de lโiconographie, on connait dโautres arbres sacrรฉs qui mรฉritent quโon sโy arrรชte :
Ished : liรฉ au culte solaire et au culte royal, pour la spรฉcialiste Nathalie Baum dans Arbres et arbustes de lโรgypte ancienne il sโagirait du dattier du dรฉsert. Dans le temple dโHรฉliopolis il est fort reprรฉsentรฉ et รฉtroitement liรฉ au lever du soleil.
Sur ses fruits, le dieu Thot, son รฉpouse la dรฉesse Seshat ainsi que le dieu Atoum inscrivaient le nom de chaque roi. Sรฉthi 1er sโest fait reprรฉsentรฉ ร Karnak ร genoux en signe de dรฉvotion sous lโarbre ished tandis que le dieu Thot inscrit son nom sur un fruit de lโarbre avec son calame.
Persea : lui aussi tenait une place de choix dans les jardins des temples. Ses fruits jaunes en faisait un arbre liรฉ au soleil.
Saule dโEgypte : trรจs important dans la thรฉologie hรฉliopolitaine, car liรฉ au dieu Atoum et ร lโoiseau benou ( le phoenix ) une forme du dieu solaire. Il symbolisait le renouveau. On peut le voir dans la tombe dโIpouy.
Et les lรฉgumes alors ? Quelle รฉtait la relation des Egyptiens avec eux ? Apparaissent-ils quelque part ?
Ici, nous parlerons essentiellement de la laitue et de lโoignon, car ils entraient dans des rituels dโoffrande. La laitue et lโoignon รฉtaient cultivรฉs dans les jardins des temples pour servir dโoffrandes ร des divinitรฉs.
OIGNON : il รฉtait dรฉdiรฉ au dieu funรฉraire Sokar. Lors de la fรชte thรฉbaine qui lui รฉtait consacrรฉ des colliers รฉtaient confectionnรฉs pour les dรฉfunts. Lโoffrande des colliers faisait partie dโun rituel permettant de redonner vie au mort en rรฉanimant ses sens ร un moment auquel lโรฉquilibre cosmique paraissait menacรฉ par la baisse de luminositรฉ associรฉe ร lโarrivรฉe de lโhiver. Des ruches dโoignons รฉtaient รฉgalement fabriquรฉes : elles consistaient en des oignons verts liรฉs en faisceaux au sommet desquels รฉtait fixรฉe une anse servant ร les transporter vers les lieux de culte. Ces anses รฉtaient ingรฉrรฉes lors de la fรชte de Bastet qui cรฉlรฉbrait le retour de la lumiรจre estivale.
LAITUE : La laitue รฉtait associรฉe au dieu ithyphallique Min. Elle รฉtait souvent reprรฉsentรฉe comme un arbuste รฉrigรฉ, tel un phallus, dont le latex rappelait la semence. Cโest alors devenu un symbole de fertilitรฉ et de procrรฉation. Min est sans doute une des divinitรฉs les plus anciennes dโEgypte. Il est reprรฉsentรฉ dรจs la premiรจre dynastie sous forme humaine :
Le bras droit tenant le flagellum levรฉ dans le dos
La peau couleur noire rappelant la couleur du limon
Le pรฉnis en รฉrection
Une laitue romaine au pouvoir aphrodisiaque apparaissant ร ses cรดtรฉs.
La tรชte coiffรฉe dโun ruban enserrant deux plumes.
Le corps gainรฉ dans un linceul.
Cโest une divinitรฉ protectrice des routes caravaniรจres mais aussi des mines. Min est une divinitรฉ qui est promenรฉe sur un tapis de fleurs, toujours donc entourรฉe de vรฉgรฉtal.
รGYPTE OU PAS รGYPTE ?
Enfin, il me semblait important de parler de ces plante qui font partie du paysage รฉgyptien mรชme si elles ne sont pas endรฉmiques. Car elles peuvent, elles aussi, mรชme si elles sont arrivรฉes plus tard, revรชtir une certaine symbolique.
Lys : il a รฉtรฉ question de savoir si une des reprรฉsentations sur une tombe il sโagissait dโun lys ou dโun nรฉnuphar. Toute une enquรชte a รฉtรฉ menรฉe pour dรฉterminer sโil รฉtait possible quโil sโagisse dโun lys. Il en a รฉtรฉ conclu que le lys avait รฉtรฉ importรฉ, mais plus tard.
Olivier : ici aussi, il sโagit dโune importation tardive. Reprรฉsentรฉ sur une peinture murale du palais nord dโAmarna : reprรฉsente la main du roi offrant un rameau dโolivier lourds de fruits au dieu Aton. Sinon pas vraiment de reprรฉsentations sauf bien plus tard lorsque lโolivier entre dans la composition des colliers funรฉraires. Il faut attendre les Ramessides pour avoir une preuve de lโimportation de cet arbre en Egypte, dont on utilise lโhuile pour lโรฉclairage des temples. Lโoffrande de cette branche dโolivier montre que le roi faisait importer de lโolive et de lโhuile des royaumes mycรฉniens.
La culture de lโolivier รฉtait sans doute rรฉservรฉe ร son propre temple, ou รง ceux consacrรฉs au dieu Aton, incarnation physique du disque solaire. Lโolivier a toujours รฉtรฉ trรจs investi par les Grecs. Il est lโarbre nourricier et civilisateur dont le bois et les feuilles semblent รฉternels et dont la capacitรฉ de rรฉgรฉnรฉration semble infinie. Lโoffrande dโolivier montre la capacitรฉ ร importer des essences rares et importantes en Egypte et de les faire fructifier : il sโagit lร dโune appropriation symbolique du monde.
Lโencens et la myrrhe : lโencens et la myrrhe jouaient un rรดle trรจs important dans le rituel religieux รฉgyptien car leur odeur รฉtait rรฉputรฉe plaire aux dieux et permettait de les contenter. Ils servaient aussi ร confectionner des onguents aux vertus prophylactiques et antiseptiques qui pouvaient รชtre utilisรฉs dans la momification. Cโest sous les efforts du rรจgne dโHatchepsout que lโรgypte tente de devenir productrice de gomme-rรฉsine. Elle fait dรฉterrer des arbres de leurs rรฉgions et les fait transporter en bateau.
Voilร , jโespรจre que dorรฉnavant, vous en savez plus sur les secrets botaniques de lโรgypte. De mon cรดtรฉ jโai adorรฉ faire cette enquรชte !
A trรจs vite,